Le collier de perles des Ya-Ya

Parfois, vous ouvrez un livre et vous tombez sur un collier de perles.

En ce moment, je lis Les divins secrets des petites ya-ya, de Rebecca Wells. Je ne l’ai pas fini, je prends mon temps pour le lire, c’est le moins qu’on puisse dire !

Une amie me l’a d’abord prêté et j’ai du le lui rendre avant de l’avoir terminé. J’ai donc décidé de l’acheter dans ma petite librairie préférée qui ne l’avait pas en stock. Alors, je l’ai commandé. J’ai attendu la fin des vacances pour aller le récupérer et, entre temps, j’avais bien sûr entamé d’autres lectures. J’ai donc attendu avant de le reprendre et j’ai eu un peu de mal à me replonger dedans.

Il y a des lectures comme ça, qui sont hachées, qui ne se font pas d’une traite, mais plutôt en pointillés.

Et ce matin-là, j’ouvre le livre taché de café – j’ai la sale manie de boire quelque chose de chaud en lisant – et je tombe sur un passage qui résonne fort en moi.

Siddy est en train de regarder une photo de sa mère et de ses trois amies, enfants, qui s’appellent elles-mêmes les « Ya-Ya ».

C’est un après-midi d’oisiveté où elles n’ont rien à faire que de boire du thé glacé, affalées sur la terrasse à l’ombre des chênes. Les Allemands vont entrer dans Stalingrad, les chambres à gaz commencent à tourner, mais les Ya-Ya, lycéennes, n’ont pas encore quitté le confort, la paresse et la joie de la véranda. Il suffit de les regarder. Elles ne portent pas de montre. Ces heures qu’elles vivent là ne sont pas programmées, ni inscrites dans un agenda professionnel.

Elles n’ont même pas prévu de se vautrer sur ce canapé ; c’est comme si le poids de leur corps les avait entraînées sur les coussins. Elles ne savent pas non plus quand elles vont se relever, elles n’ont aucun projet. Elles savent seulement que leurs corps se touchent alors qu’elles essaient de ne pas avoir trop chaud ; le seul endroit un peu frais est juste devant le ventilateur.

J’ai envie de me vautrer comme elles, de flotter sans projets, sans ambition, sans angoisse. J’ai envie d’habiter ma vie comme on habite une véranda.

Ce passage m’a fait arrêter ma lecture. Puis j’ai relu cette dernière phrase : J’ai envie d’habiter ma vie comme on habite une véranda.

Et je me suis mise à rêver de mon enfance, de mes après-midis chez la voisine avec mes trois copines de l’époque et de nos moments d’ennuis, de joie, de jeux. Des heures non programmées, juste le bonheur d’être ensemble, l’insouciance de ce qui se passe dans le monde qui nous entoure.

Et je me dis que oui, par moment, j’ai envie de me détacher du timing du quotidien. Cela m’arrive d’ailleurs parfois sans que je m’en rende compte : en écrivant, en dessinant ou en me promenant dans la nature. Je n’ai alors plus vraiment conscience du temps qui passe, je ne suis pas franchement concentrée. J’écris ce qui me passe par la tête, je gribouille au hasard, je m’arrête de marcher sans véritable raison. Et je me sens bien, je me laisse aller.

Et depuis que j’ai lu ce passage des Ya-Ya, je me demande : est-ce que cela vous arrive aussi, d’habiter parfois votre vie comme on habite une véranda ?

Si Katia, Magali et Vanessa passent par là, je les embrasse bien fort.

4 thoughts to “Le collier de perles des Ya-Ya”

  1. Des colliers de pâquerettes…des trésors cachés dans la rigole de la cave…des spectacles à gogo…bises

  2. Je n’ai pas lu ce livre… Mais cet extrait me ramène aussi à mon enfance… Aux moments de bonheur pur, simple, insouciant… J’ai beau être heureuse aujourd’hui, je ne pense pas pouvoir, réussir à me laisser aller comme je le faisais à l’époque. D’ailleurs c’est révélateur: aujourd’hui je sens bien qu’il me faudrait une action, une volonté de me laisser aller. Alors qu’à l’époque je vivais l’instant présent, sans effort, intensément. Je vole des instants de décontraction (un bon livre, un bon film, une bonne sieste, un petit jogging au milieu des vignes…), mais je culpabilise parfois ensuite de ce temps « perdu ».
    Adulte, je suis plus dans le « faire » que dans « l’être »… C’est sans doute la raison pour laquelle nous avons l’impression que notre vie nous échappe car à force de faire on en oublie de vivre…

    1. Comme tu as raison, Carine !
      Certains disent que 3 verbes définissent notre comportement : avoir, faire et être, et que dans notre société de consommation, la tendance est de se focaliser sur « avoir ». Tu décris bien la tendance du « faire ». Je trouve que c’est aussi un biais de la société actuelle dans laquelle on doit répondre le plus vite possible à un tas de demandes, on ne prend plus vraiment le temps de réfléchir, de se poser, on est dans la réactivité, notamment au boulot. On doit sans cesse gérer les interruptions (mails, messages, coups de fil…) et le maître- mot est l’adaptation.
      Vivre l’instant présent est une sorte de défi. Ne pas se laisser emporter dans le tourbillon des choses à faire, à posséder. Ralentir, se recentrer, s’asseoir dans sa véranda.

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