Concerto à la mémoire d’un ange, d’Eric-Emmanuel Schmitt

Quatre nouvelles liées entre elles par Sainte Rita, la sainte des causes désespérées.


Chaque nouvelle est basée sur l’évolution d’un ou deux personnages. Et, moi qui adore le travail des personnages, j’ai été gâtée.

Première histoire : « L’empoisonneuse »

Marie Maurestier habite un petit village dans lequel on la regarde de travers. Bien qu’elle ait été innocentée vingt ans plus tôt du meurtre de ses trois maris, certains expriment leurs doutes. La vieille bigote acariâtre changera-t-elle de visage avec l’arrivée du nouveau prêtre ?

J’ai eu un peu de mal à entrer dans cette nouvelle, car il est toujours désagréable de s’immiscer dans la peau d’un personnage que l’on n’aime pas d’emblée. Mais on a envie de savoir qui est vraiment Marie Maurestier. L’écriture d’Eric-Emmanuel Schmitt est facile à lire tout en étant précise. Elle entraîne le lecteur dans la psychologie de ce personnage tortueux et décrit le regard des villageois de façon savoureuse.

Seconde histoire : « Le retour »

Greg est mécanicien à bord d’un cargo. Il parcourt le monde sur les flots et travaille dur sans penser à rien d’autre, pas même à sa femme et ses quatre filles qui l’attendent à terre. Lorsqu’un jour, le capitaine lui annonce la mort de l’un de ses enfants, Greg reste interdit. D’autant plus que le télégramme reçu ne mentionne pas le nom de l’enfant décédée. Pour Greg commence alors un long questionnement sur son rôle de père, de mari, d’homme.

J’ai beaucoup aimé cette nouvelle, tout en introspection. Les réflexions de Greg sur ses filles, la place de chacune d’elles, ses prises de conscience successives… On vit la transformation du personnage de l’intérieur comme le dit si bien ce court extrait :

L’esprit de Greg sautait de la contemplation de la lumière extérieure à son tumulte intérieur ; jamais il n’avait saisi l’occasion d’être ainsi, un homme, un simple homme, minuscule au milieu de l’océan immense, partagé entre l’infini de la nature et l’infini de ses pensées.

Troisième histoire : « Concerto à la mémoire d’un ange »

Axel et Chris sont deux jeunes virtuoses, l’un violoniste, l’autre pianiste. Cependant, tout les oppose : Axel est d’un tempérament doux, délicat, joyeux, là où Chris est compétitif, agressif et arrogant. Mais un événement grave va faire basculer leur avenir qui semblait tout tracé.

Cette nouvelle est le cœur du recueil. On n’y suit pas un, mais deux personnages aux destins liés. Elle pose là encore la question du changement : est-il possible d’apprendre de ses erreurs ? Notre personnalité est-elle programmée par notre éducation ou peut-elle changer ? Avons-nous le pouvoir de la faire basculer ou sommes-nous de simples marionnettes ? Avec la musique pour toile de fond – un environnement qui me tient à cœur – et la transformation de l’histoire d’Axel et Chris en légende, j’ai trouvé la lecture de cette nouvelle à la fois grave et poétique. J’ai adoré.

Quatrième histoire : « Un amour à l’Élysée »

Catherine est la femme du Président de la République. Son image reflète la dignité, l’élégance, l’amour inconditionnel pour son mari. Mais tout cela n’est qu’une façade. Certes, vingt ans plus tôt, elle est tombée amoureuse d’Henri Morel. Mais alors, elle était une étudiante bohème des Beaux-Arts et se fichait bien de l’opinion publique. Subsiste-t-il quelque chose de cette époque légère ? Un peu de sa personnalité, un peu de son amour pour celui qu’elle a épousé et qui est devenu un homme sans scrupules ?

Je me suis laissée emporter par la violence de cette histoire d’amour et de haine, mais j’ai été déçue par le dénouement final. Des sentiments forts en sont le fil conducteur.

Nos sentiments ne sont pas changeants, mais ambigus, noirs ou blancs selon l’impact, tendus entre leurs contradictions, ondulants, serpentins, capables du pire comme du meilleur.

Le journal d’écriture

Eric-Emmanuel Schmitt nous livre à la fin du recueil des notes prises au fil de l’écriture de ces quatre nouvelles. Une vraie friandise pour ceux qui, comme moi, s’intéressent de près ou de loin au processus d’écriture.

Ma conclusion

C’est le premier livre d’Eric-Emmanuel Schmitt que je lis. Pourtant, on me conseille depuis longtemps de m’y intéresser et cette lecture m’a effectivement beaucoup plu. J’ai apprécié la finesse des mots et le travail des personnages, ainsi que les questionnements auxquels ils sont en proie.

J’ai aussi aimé lire des nouvelles, car cela faisait bien longtemps que je n’en avais pas lu d’aussi belles. Le lien avec Sainte-Rita en elle-même est assez ténu et se fait avec l’idée d’une possible rédemption et cette simple question qui nous habite tous à un moment ou à un autre : pouvons-nous changer ?

One thought to “Concerto à la mémoire d’un ange, d’Eric-Emmanuel Schmitt”

  1. Coucou,
    Je viens de lire ton article (oui, après les discussions FB)…
    Je ne peux que t’encourager de nouveau à lire d’autres livres de cet auteur… le journal d’écriture, c’est à chaque fois ou presque !
    Et lorsque tu dis : » il est toujours désagréable de s’immiscer dans la peau d’un personnage que l’on n’aime pas d’emblée », c’est vrai et c’est justement la force d’Eric-Emmanuel Schmitt car il arrive, dans « la part de l’autre » par exemple, à chercher une autre facette des personnages. Pour le coup, dans ce roman là, le journal d’écriture est vraiment intéressant et peut-être à lire avant, pourquoi pas. Il y explique que certains de ses proches ne voulaient pas qu’il écrive ce livre… je te laisse découvrir pourquoi !

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